EN RÉSIDENCE DU 6 septembre AU 16 octobre 2022

GIORGIA VOLPE

Une samba jour de carnaval.

Elle est pétillante comme un feu d’artifice. Avec elle, le ciel pétarde d’idées nouvelles, de réflexions sur la vie, la création, le monde, l’amour et la suite des choses. Elle est une nuée de papillons colorés qui sort de son chapeau noir et s’envole vers le lointain Brésil, son pays natal. De São Paulo, où elle a grandi, elle a rapporté la chaleur humaine, l’humour et la fantaisie de ce peuple le plus métissé de la terre et, à l’image de l’artiste, peut-être aussi le plus joyeux.

Giorgia Volpe est une artiste libre, instinctive, ouverte et curieuse des gens et du monde qui l’entoure. Elle veut en faire partie de ce monde, y laisser son empreinte, inscrire le passage du corps dans le paysage, marquer le sol de ses pas, se fondre dans la lumière et les couleurs de l’automne. Vive et aventurière, elle n’attend pas les hasards de la vie.  Elle provoque les événements, va au-devant de l’histoire. Elle enfourche son vélo électrique et part en « visitation », parcourt la région à la rencontre du territoire. Tout l’enchante. La stimule. Éveille ses sens avides de beauté, de sensations et d’émotions nouvelles. Elle photographie champs, forêts, vergers, jardins, lacs et rivières. Elle apprivoise le lieu, se met en scène dans le paysage. De retour à la grange, devant son ordinateur, pendant des heures, elle assemble des collages photographique; son projet de résidence. Le matin, elle repart à la recherche de nouveau matériel. Cette fois, c’est son corps qu’elle demande à être photographié pour qu’elle puisse ensuite le découper, le décomposer, l’assembler autrement. Cette série de collages est étonnante. Ces fragments de corps surdimensionnés qui s’imposent dans le décor dégagent une magnifique discordance. Plus on les observe, plus le corps et le paysage, insufflés par cette nouvelle configuration, semblent s’habituer l’un à l’autre, trouver leur intimité.

Pour l’artiste, tout est prétexte au contact humain. Aller à la rencontre de l’autre, établir un lien sont pour elle un geste presque sacré. Son projet de résidence « visitations » se poursuit. Cette fois, elle va à la rencontre des gens de la communauté, leur rend visite dans leur maison, au cœur de l’intime et des secrets. Une douzaine d’hôtes se sont laissés séduire par sa gentillesse et sa fantaisie pour se prêter au jeu. Elle les met en scène, transforme leur espace en décor de théâtre, utilise les objets à portée de main, crée une ambiance inhabituelle, trafique les données pour faire un pied de nez aux apparences. Le cordonnier de Dunham, la vieille dame du chemin Abercorn, le forestier, les résidents du Vieux moulin, la disquaire, l’ébéniste ou les travailleurs saisonniers, elle les a tous entraînés dans son imaginaire incomparable, oscillant entre l’absurde et l’onirisme, entre surréalisme et nature morte. Elle les a fait danser avec ses couleurs, mixte de cultures et d’influences en constance transformation telle une samba, jour de carnaval.

Giorgia Volpe est une artiste à temps plein. Elle ne se promène jamais sans ce regard créatif sur son environnement, sans le désir de le transformer. C’est sa nature profonde, sa manière de vivre. C’est dans cet esprit qu’elle aborde les choses et les gens. Tout est création. Et, comme elle à ce don pour l’abandon et que, par magie, elle réussit à le transmettre aux autres, l’art participatif avec Giorgia Volpé, n’est pas qu’un concept, il est partie prenante de sa démarche artistique. Il est organique. Durant l’activité du dimanche créatif, elle demande aux participants de s’enrouler de courtepointes, de laisser bouger leur corps dans l’espace, de jouer dans la nature comme des enfants. Le résultat est foisonnant, joyeux et ludique. Sous son oeil aiguisé de photographe, les couleurs, les formes et les mouvements appartiennent au paysage, s’harmonisent tout naturellement avec la lumière du jour et les ciels bleus ou grisonnants. Avec les élèves de l’école primaire Saint-François d’Assise de Frelighsburg, elle les fait jouer à  l’acteur comme au cinéma. Au son de la claquette, attentifs, ils attendent le mot ACTION. Le drone vole dans la voûte de l’Église anglicane au-dessus des grandes roues que les enfants enrubannent de couleur. Dans le cimetière, derrière leurs masques, des enfants heureux posent entre les stèles, envoûtés par l’enthousiasme irrésistible de cette artiste lumineuse, intense et passionnée.

Sa résidence est terminée, mais ses projets amorcés ici, à la grange, ne le sont pas. Avant de pouvoir y retravailler, elle devra attendre un espace libre dans son horaire chargé; l’installation de deux œuvres d’art public, l’une à Roberval et l’autre à Sainte-Foy et des maquettes de projets à préparer. Il faut se rappeler que Giogia Volpé est une artiste très en demande. Ses oeuvres ont été exposées à  l’international dans des lieux aussi prestigieux que le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée d’art contemporain de São Paulo (Brésil), le Centre d’art et culture de Bangkok (Thaïlande), la Biennale internationale d’art contemporain textile -WTA de Madrid (Espagne), le Centre d’art contemporain de Xiang Xishi (Chine) ou à Passage Insolite à Philadelphie et… au Centre Adélard de Frelighsburg !

Isabelle Hébert